Publications / Textes

Un parfum de désarroi / Fréderic Baillat

Un parfum de désarroi se mêle ici, droit et humble, d’âpreté et de miel à une fournaise en jachère. Ici, jonche en couleurs de cristal et de terre ; une tendresse bienheureuse au revers d’un folklore de pénombre. Des clowns, des hommes, des animaux se ruent en fête. Un martyre se prononce, se montre, se brûle en une aurore jamais atteinte ; ça tourne et c’est central. Alors que dans les débords de la peinture, ça s’exclame, ça se déverse, ça rit l’affaire de tous. C’est une peinture qui respire l’étouffante condition humaine. Les contours ne sont ni nets ni ouverts et de cette incertitude à définir l’objet, rougeoie haut en couleurs et en vitalité, l’élégance d’une passion sans mesure qui s’ancre au sein d’une métamorphose jamais oubliée. Quand quelque chose est si bien tenue et si bien annoncé ; on ne peut que se sentir devant, mobile, affecté et le corps empreint d’indépendance. 

Juillet 2022.

Compte-rendu de l’exposition: « Vois un mets sage se crée » à la Maison Juste / Margot Boudali

On pénètre une exposition comme on pénètre le regard d’un autre. Chatoyant, irisé  chaque rayon de lumière, yeux verts pelouse, gris ou rouge sang tirant au vermeil que l’on  découvre dans la peinture d’Axel. Jeune peintre d’une gracieuse nonchalance, il présente ses  toiles tout format rien n’est impossible. Ses amis réels personnages de couleur sont des  Arlequins, quidams des villes ou paysages parfois en forme de sachet de thé. La douceur d’avril  se mêle à la joie parmi les lignes qui ne gribouillent jamais (même si le mot est mignon) mais  s’entremêlent pour former Le mal d’aimer. Le feu réchauffe la marmite de l’Androgyne, un  globe impérial sur le sein gauche, sexe dressé. Pièces de viande en visages contorsionnistes  sèchent comme des saucissons sur une nature morte acide citron. Un polichinelle adorable qui  se consume le visage contrit constate au pas de la mort cette joyeuse société : il dit lui-même,  « le carnaval ».  

Il y a aussi des cabanes imaginaires, celles des enfants invisibles que sommes au fond  du ventre. Quelques portraits (un autoportrait caché), visages et toutes leurs facéties, je ne  voudrais pas trop m’avancer sur ceux/ce qu’ils sont. Reflets brillants, idées justes et  personnelles d’une esthétique où l’on plongera le sourire aux lèvres : essentielle fantaisie. 

Avril 2022.

Une Insaisissable Ambivalence / Baptiste Falda

La peinture d’Axel Coutaz n’accepte aucune étiquette, et il est assez difficile de la catégoriser, de la ranger dans une partie de notre tête en ayant la conscience tranquille d’avoir su trouver sa place exacte. Il y a dans l’ensemble de son travail une ambivalence, un ensemble d’éléments à la fois parfaitement logiques et contradictoires, un sens de l’entre deux qui vient saboter toute tentative d’inscrire définitivement sa peinture dans telle ou telle logique de production ou dans telle ou telle mouvance picturale. Si une personne en voulait une description rapide et précise, il serait très difficile de la contenter sans passer à côté de l’essentiel.

Très lisible, mais indéchiffrable ; très directe, mais souvent alambiquée ; pleine de matière, mais parfois légère et minimale ; à certains moments très référencée, mais souvent obscure ; figurative et étrangère, maîtrisée et défigurante, hors du temps et hasardeuse, géométrique et vaporeuse, assumée et dispersée, rigoureusement hésitante, logiquement fragile, narrativement amphigourique, gravement tremblante, familièrement contemporaine, abstraitement drôlatique… Il est, vous l’aurez compris, difficile de dépeindre facilement l’ensemble de son travail sans donner l’impression de divaguer. De plus, la logorrhée descriptive que vous venez de lire pourrait donner l’illusion que l’œuvre d’Axel Coutaz pourrait être envisagée sous l’angle de la binarité, comme basée sur une forme d’opposition, sur un ensemble de contrastes visuels et thématiques, mais il n’en est rien. L’opposition, monsieur Coutaz l’ignore solennellement et il faudrait avoir de graves défaillances visuelles et cognitives pour trouver une quelconque forme de binarité dans l’ensemble de ses productions.

L’insaisissabilité, tapie dans l’ombre, viendra se présenter à toute personne qui, face au travail d’Axel, pensera avoir rapidement mis à nu la démarche et le fil conducteur de son ensemble. L’apparente lisibilité de ses productions est un piège, un appât tendu savamment aux regardeurs et regardeuses afin de les guider vers l’inquiétante étrangeté. Le fil conducteur que l’on pense suivre s’emmêle, et on le perd bien vite pour se laisser flotter dans l’univers carnavalesque et fiévreux d’Axel. Les tableaux échangent entre eux, se partagent des motifs ou des figures, coexistent et dialoguent mais dans un dialecte qui leur est propre et dont on ne peut percevoir que les racines. Un dialogue de sourd, où chaque répétition dit une chose étrangement différente. Comme un souvenir qui change de forme à chaque fois qu’il est reconvoqué, mais que l’on rappelle malgré tout en ignorant ses altérations.

C’est une impression d’unheimlich bienveillant qui restera dans l’esprit de celui ou celle qui essayera l’exercice difficile et périlleux d’esquisser une résumance de l’œuvre labile et brute d’Axel Coutaz.

Mars 2022.

Pas de bouche / Axel Coutaz

Pas de bouche.

Ma peinture, ne parle pas, ma peinture ne questionne pas, car elle n’a pas de bouche. Elle se contente d’exister, elle divague. Elle ne parle pas, elle ne mange pas, elle ne chie pas. Pas de bouche. Pas d’anus.

Non, ce sont des formes, des couleurs, des valeurs, des lignes. Pigments minéraux, pigments végétaux, figés dans l’huile et la térébenthine étalés sur la toile de lin.

Non, je voudrais percer le cœur des gens et ouvrir un imaginaire dans leur cervelle.

Elle n’a pas été faite pour vous poser des questions. De petites questions toutes tarabustées, montées de toutes pièces. Elle ne questionne pas, elle ne quête pas, elle n’a pas de quête. Non, elle veut exister, elle veut se poursuivre, elle manifeste, c’est un flux souterrain qui s’expose ou non.

Elle n’est pas un prétexte.

Bleu cobalt, vert de bronze, noir de charbon, terre de sienne, rouge carmin.

Je travaille dans l’urgence, car j’ai tellement d’images à sortir de moi. Des milliers de démons, de formes sans nom, d’arlequins, de paillettes ensorcelées prêt à bondir et jaillir hors du pinceau.

J’obéis à la ligne, car c’est elle qui me dicte ma conduite; me donne une direction, me fait émerger depuis quelque part. Manifestant les courants électriques qui peuvent traverser les têtes, se changeant en magma de couleurs. Des signes apparaissent, deçà, delà. J’aime l’abstraction des spirites et la déraison des géomètres. N’y a t-il pas de plus drôle d’idée que de vouloir mesurer la terre ? Ces images, ce ne sont que des gouttes qui s’ajoutent au torrent des images déjà existantes.

Si des questions s’imposent à votre esprit, vous en êtes seuls responsables car…

Ma peinture n’a pas de bouche, ma peinture ne parle pas, assez de paroles parolantes. Elle se regarde, elle se boit, elle se goûte, elle se touche, tout ça pour se jeter finalement aux oiseaux.

Émanations. Feux d’artifices obscurs. Fluides.

Février 2022.